Interview | La parole à Fabian Letihon
L’interview de la semaine en compagnie de Fabian Letihon, en charge de la Referee Academy du RFC Liège, destinée aux 13 à 15 ans.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet de la Ref Academy ?
Le projet est de former des arbitres, des candidats entre 13 et 15 ans. Ils ont pour but de devenir des arbitres réguliers de l’ACFF. Il est important de savoir que les arbitres peuvent venir de tous les clubs de la région. Liège ne cherche pas à récupérer ces arbitres pour les avoir dans leur club.
Pourquoi avoir créé cette Académie portée sur l’arbitrage ?
À la base, des jeunes de Liège arbitraient les 8 contre 8 et les 5 contre 5. Donc ces matchs étaient arbitrés par des adolescents. Ça avait été mis en place par Gaëtan Englebert. Par la suite, Liège est monté au niveau professionnel, ce qui permet d’avoir une académie d’arbitres comme au Standard, à Eupen ou encore à l’Union Saint-Gilloise. Ici, c’est l’ACFF qui m’a demandé si je voulais poursuivre le projet avec des arbitres de 13 à 15 ans.
Pourquoi avoir décidé de superviser cette Académie ?
C’est une proposition qui m’a été faite. Ce projet est une véritable plus-value pour l’arbitrage et l’ensemble du club. Cela garantit que les jeunes soient arbitrés de manière adéquate, car bien souvent ce sont des parents qui officient en tant qu’arbitres lors des rencontres des jeunes. Désormais, ce sont des jeunes arbitres qui encadrent les jeunes joueurs.
Il y a-t-il des prérequis pour suivre la formation ?
Non, aucun prérequis n’est nécessaire. Un enfant de 13 ou 15 ans qui arrive, qui n’a jamais arbitré ni fait de football dans sa vie, peut s’inscrire à la formation.
Comment se déroule la formation ?
Au tout début, je rencontre le jeune avec ses parents, j’explique tout ce qui va se passer. Je lui explique les quelques règles, évidemment. Et puis, on passe directement à l’arbitrage sur le terrain. Ça se passe en 5 contre 5 ou à 8 contre 8. Ils sont formés mais je les suis et je ne les lâche pas. J’ai un micro, un casque et ils sont reliés en permanence avec moi. Chaque geste ou chaque course sur le terrain est analysé. J’essaie de leur expliquer un maximum pour qu’ils se positionnent au mieux, pour qu’ils prennent les meilleures décisions et pour leur dire d’oser siffler. C’est la chose la plus compliquée quand on arbitre au début, d’oser siffler. Par la suite, ils sont généralement satisfaits de la formation.
Que vont apprendre ces jeunes ?
Toutes les bases de l’arbitrage. La gestuelle de l’arbitre, les règles du fonctionnement du 8 contre 8 et du 5 contre 5 mais aussi se déplacer sur un terrain, le fonctionnement du sifflet, ce qui n’est pas si simple car il y a des variations dans le ton.
Pourquoi devenir arbitre ?
C’est une expérience personnelle enrichissante à bien des égards. Je crois que cela peut être extrêmement bénéfique dans la vie quotidienne. Les jeunes arbitres, âgés de 13 à 15 ans, sont confrontés à des défis qui vont bien au-delà du simple fait de diriger un match. Ils apprennent non seulement à s’exprimer devant leurs pairs, mais aussi à gérer des situations impliquant des adultes, ce qui est une expérience considérable pour eux. De plus, l’arbitrage exige une bonne condition physique, car un arbitre peut parcourir entre 10 et 12 kilomètres au cours d’un match. L’arbitrage peut être considéré comme un sport à part entière. Il faut être capable de prendre des décisions rapidement et avec assurance. Je considère que l’arbitrage est une véritable école de vie. Tout comme les joueurs, les arbitres apprennent des leçons importantes, mais je dirais que l’arbitrage offre des avantages supplémentaires dans ce domaine.
Avez-vous des fonds pour que la formation soit totalement gratuite ?
C’est l’ACFF qui me rétribue. Le reste, c’est le RFC Liège qui fournit tout ce qui est équipement. Dès qu’un arbitre est constant et qu’il vient régulièrement, Liège offre l’uniforme.
L’arbitrage apporte-t-il des compétences ou des qualités hors de la vie sportive ?
Oui, l’arbitrage apporte énormément dans la vie quotidienne. Personnellement, exerçant un métier complexe, l’arbitrage m’a beaucoup apporté et m’a aidé dans ma vie professionnelle. En ce qui concerne les enfants, cela peut les aider à développer leur capacité de concentration – rester concentré pendant 80 minutes n’est pas une mince affaire -, à communiquer avec des adultes et parfois à les recadrer avec tact. Il y a une dimension éducative à acquérir, une manière spécifique de s’adresser aux gens et de gérer le contact, ce qui est essentiel dans la vie quotidienne. Même si les jeunes ne poursuivent pas dans l’arbitrage par la suite, cela peut leur être bénéfique pour leur vie quotidienne.
Y a-t-il beaucoup de jeunes filles qui s’inscrivent à la formation ou est-ce que la mixité y est moindre ?
Il y a une jeune fille, Clémence. Elle joue au Standard Femina. Petite information : il ne faut pas spécialement être affilié au RFC Liège pour pouvoir s’inscrire à la formation. Clémence fonctionne très bien, elle est actuellement en stage pendant une semaine à Tubize. Elle fêtera ses 15 ans le 1er juillet et est totalement prête pour l’arbitrage.
Est-ce qu’on peut s’attendre à avoir des femmes arbitres en Jupiler Pro League ?
Oui, cela se pratique déjà en France, donc je pense que nous y viendrons également. Il faudra simplement qu’une fille corresponde au profil recherché, sélectionné par la Fédération et soit aussi performante que ses homologues masculins. Je suis convaincu que cela fonctionnera, et peut-être même que la présence des femmes sur le terrain apaisera les choses. Je pense notamment à Clémence, qui est excellente dans son rôle. Je n’ai jamais eu besoin d’intervenir auprès d’un délégué, d’un entraîneur ou d’un supporter concernant Clémence lors de ses matchs. Il y a un certain respect, peut-être davantage parce qu’il s’agit d’une femme, mais aussi parce qu’elle fait très bien son travail.
Une fois plus âgés, est-ce que les jeunes ayant suivi la formation pourront arbitrer dans le monde professionnel ?
A 15 ans, ils peuvent être payés. C’est un élément à prendre en compte quand on est jeune, ça doit aussi les aider à vraiment se lancer dans le monde professionnel de l’arbitrage. Ce n’est pas pour ça qu’il faut le faire mais c’est un plus.
Que peut-on mettre en place pour améliorer la qualité du corps arbitral ?
L’attitude de l’entourage, y compris les spectateurs, les entraîneurs, les délégués, est essentielle. Si tout le monde adoptait une attitude positive et respectueuse envers les arbitres, je suis convaincu que la qualité de l’arbitrage s’en trouverait améliorée. Lorsqu’un jeune arbitre de 15 ans est constamment critiqué ou harcelé pendant un match, cela peut le perturber et l’empêcher de prendre les bonnes décisions. Si au contraire, les arbitres étaient respectés, comme c’est le cas dans le rugby par exemple, cela leur permettrait de se concentrer davantage sur le jeu et de prendre des décisions en toute confiance. Ainsi, un environnement positif favoriserait le développement des jeunes arbitres et contribuerait à l’amélioration globale de l’arbitrage.
Que pensez-vous du VAR ?
Bonne question. Quand j’ai entendu parler du VAR au tout début, je me suis dit que ça allait être une très bonne chose car j’ai toujours entendu dire qu’avec les caméras, ça allait être parfait. Maintenant, j’ai un petit sourire car ça n’a rien arrangé du tout. Ça prouve même qu’on a encore besoin de l’humain pour valider une phase ou une autre. Dans les stades de D1, les spectateurs ne fêtent plus un but comme avant. Avant de savoir s’il y a vraiment but, on va attendre 2 décisions dont celle du VAR. Pour l’ambiance, ça n’a pas aidé. Des fois, même si on regarde certaines phases au millimètres, il y a toujours des discussions et des interprétations possibles. Je suis pour le VAR dans certaines conditions mais, si je devais revoir le système, chaque équipe devrait avoir droit au VAR deux fois par match comme au hockey, par exemple. On peut arrêter le match si on pense qu’il y a quelque chose. Ce n’est pas à l’arbitre d’aller voir chaque phase à la TV avec des milliers de personnes qui lui crie dessus, il peut perdre un peu le fil du match.
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